4. Les opérations des années 1980
La rénovation ne s'arrête pas aux trois ilots
qu'on a vu. Un nouveau programme est conçu au début des années
1970 et confié à la SORENOBEL (note
3) en 1974. Il concerne deux ilots séparés:
-
le secteur 'Faucheur-Envierges', à l'est de la rue Piat;
-
le secteur 'Bisson-Palikao', entre les rues Bisson, Belleville, Couronne
et Julien-Lacroix.
A cette époque les petites activités locales ne pouvaient pas compter sur un accès aux marchés internationaux, alors que la croissance
de l'internet au cours du XXI siècle aurait permis à beaucoup d'entrepreneurs de développer leur présence en ligne, et aux personnes de
travailler depuis sa propre maison, en réduisant l'importance des espaces commerciaux.
De jouer poker aux activités de traduction, recherche de marché ou
télémarketing, les personnes sont aujourd'hui de plus en plus encouragés à travailler depuis la maison pour raisons de convenance et d'économie.
Ceci n'étant pas le cas dans les années quatre-vingts, l'importance d'espaces commerciaux demeurait liée seulement à la proximité physique
de la clientèle et des habitations.
La rénovation du 'Faucheur-Envierges' est commencée
en premier, tandis que celle du 'Bisson-Palikao' n'est encore pas commencée
en 1978.
Ce deuxième projet prévoyait la démolition
totale des bâtiments existants et la disparition complète
des activités industrielles et artisanales. Une modification importante
de la voirie était prévue, en supprimant les rues Palikao
et Tourtille pour y construire un ensemble d'immeubles de 9 à 11
étages autour d'une école maternelle centrale (note
4) .
En 1977 la Ville change en profondeur les options d'urbanisme jusqu'alors
privilégiées. Le nouveau schéma directeur d'aménagement
et d'urbanisme et la nouvelle politique mise en place au début des
années 1980 suivent des nouveaux objectifs tels que:
-
la défense de la fonction résidentielle de Paris et le maintien
des catégories modestes de la population;
-
l'aide à la réhabilitation du parc ancien de logements;
-
le maintien des fonctions industrielles et artisanales dans les quartiers
périphériques rénovés;
-
améliorer l'insertion des ensembles nouveaux dans les quartiers
existants;
-
l'intégration de nouveaux espaces verts publics dans la ville.
Le projet Bisson-Palikao fait donc l'objet d'une profonde
refonte, à faveur d'un programme plus compatible avec les nouveaux
objectifs. Il est envisagé de conserver les immeubles existants
qui ne soient pas excessivement dégradés, tout en maintenant
pour les nouveaux la même échelle. La voirie fait l'objet
de quelques améliorations, mais en respectant l'ancien tracé.
On cherche aussi de maintenir des fonctions d'habitation et économiques
similaires, en prévoyant la réinstallation ou l'implantation
d'activités industrielles et artisanales typiques du quartier. Une
nouvelle procédure, la ZAC (note 5),
est utilisée, en étendant son périmètre jusqu'aux
abords du nouveau parc envisagé, le Jardin de Belleville, pour le
prolonger au sein du secteur pour assurer une continuité de cheminement
du boulevard de Belleville à l'espace vert. Une autre extension
de la zone d'aménagement est faite sur le secteur dit de Bisson-Ramponeau.
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Secteur 'Bisson-Palikao': le maintien de l'ancienne voirie et des
hauteurs de bâtiments n'est guère suffisant pour maintenir
le caractère d'un faubourg. |
Comme le programme de rénovation vient tout juste d'être
terminé, un bilan global n'est pas encore possible, surtout en termes
d'impact social.
L'intégration des nouvelles constructions dans le paysage
urbain est sûrement meilleure que celle des aménagements antérieurs.
Une rupture d'échelle a été heureusement évitée,
préservant l'ancienne voirie et limitant la hauteur des bâtiments
à 7 étages.
Par contre, une partie très faible du patrimoine bâti
a été maintenue, les réstaurations se limitant à
deux immeubles et six étant les bâtiments effectivement conservés.
L'ensemble du Bas-Belleville met en évidence une fragmentation
non négligeable de l'espace. Un espace qui était autrefois
plutôt unitaire. La rénovation du quartier a évolué
le long de 40 ans, mais son intervention s'est faite par blocs de dimensions
assez importantes. Chaque bloc n'a pas su s'intégrer au quartier,
il a du s'y superposer créant un contraste vif non seulement avec
le tissu ancien mais aussi avec les secteurs précédemment
aménagés.
Cette fragmentation n'est pas limitée à l'architecture,
mais elle atteigne aussi l'espace social. Bien que 90% des logements sont
subventionnés, ils n'accueillent pas les anciens habitants du secteur,
mais plutôt des classes bourgeoises. Les raisons sont en général
les mêmes que pour les opérations précédantes,
les logements sociaux étant occupés par des ménages
à faibles revenus, tout en garantissant la solvabilité des
loyers. Et évidemment les loyers sont plus hauts que dans le vieux
quartier.
Le relogement a été d'autant plus difficile pour
les immigrés, l'ignorance de la langue et des normes françaises
comportant souvent des conditions d'irrégularité qui annulent
tous droits aux logements sociaux.
La population étant changée, les
anciennes activités ont du mal à s'y réinstaller:
les besoins des nouveaux habitants sont différents qu'autrefois.
D'autre part ces derniers ne s'intègrent pas au reste du quartier,
comme le souligne le rapport de Mme Broussard (note
6) : « [La nouvelle population] ne s'adapte pas aux caractères
du quartier et même les fuit. Les enfants sont scolarisés
hors du quartier, les modes de garde disponibles dans le quartier apparaissent
peu adaptées aux parents. Les 'services' offerts par le quartier
ne correspondent pas aux attentes: le marché et les commerces sont
peu fréquentés car les produits n'y auraient pas une qualité
satisfaisante, d'autres services comme le pressing, librairie, manquent.
».
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Secteur Bisson-Palikao. D'auprès leurs témoignages,
les vieux habitants de Belleville ne semblent pas apprécier cette
nouvelle architecture: « le terme ironique de 'ZAC parisienne' exprime
la rigidité d'une opération qui produira une forme urbaine
standard qui tend vers un 'Paris ville propre' » [Broussard, 1994,
p.25] |
Dans le cas du sous-secteur 'Bisson-Ramponeau', qui met en contact encore
plus serré les nouveaux et les vieux habitants du quartier, même
des problèmes de cohabitation commencent à se poser, dans
un quartier où la tolérance entre différentes ethnies
a toujours été un élément caractéristique.
L'usage des espaces publics et collectifs comme lieux de rencontre privilégiés
pour les habitants traditionnels, la formation continue de petits groupes
sur les trottoirs sont à l'origine d'un contrôle collectif
permanent typique des villages, qui est mal perçu par les nouveaux
résidents. Ils n'arrivent pas à se reconnaître dans
ces coutumes, ni à s'y adapter. Les comportements qui pour les premiers
permettent une grande sécurité générale, gênent
par contre les seconds qui sont étrangers à cette façon
de vivre.
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100, Boulevard de Belleville: quand les intervenctions sont ponctuelles,
le procés d'appropriation des lieux par la population semble avancer
plus vite. On se demande comme-même si les nouvelles formes architecturales
puissent bien s'adapter aux usages que la réalité leur impose. |